L'amitié entre écrivains n'est pas chose facile. Elle est chose rare. Parce que la concurrence, même empreinte de bienveillance, vient toujours se glisser à la croisée des plumes : alors, combien de livres vendus, et en filigrane, ces brindilles de jalousies, parfois minuscules mais toujours présentes, c'est que nous avons chacun notre égo et il faut bien faire avec.
Je connaissais Jean-Claude depuis quelques temps, sa gouaille, sa bonhomie, son sourire, sa chaleur, mais aussi quelques connivences d'écriture : sa Guyane, ses Améridiens auraient pu trouver place entre les pages de mes propres livres. Mais tout cela restait bien sympathique, presque de l'ordre du convenu.
Je crois que c'est à Allevard, cette année où Annick Santoro m'avait offert la possibilité de prolonger le salon du livre par un petit tour de chants que notre relation a évoluée vers de l'amitié. La présence de Véronique, ce soir-là, y a sûrement été pour quelque chose. Mais aussi le fait qu'au-delà de l'écrivain parlant à un autre écrivain, c'est le clown et le chanteur qui partageaient des moments du présent et de leurs passés respectifs. Une complicité était née.
Lorsque je suis parti vivre en Haute-Provence et que l'occasion de revenir à La Pierre s'est présentée, pas la moindre hésitation : c'est Jean-Claude que j'ai appelé pour lui demander s'il avait la possibilité de m'héberger. Il n'y mit qu'une seule condition : que je vienne avec ma guitare. Et ce fut un moment rare, autour de la table du salon, en compagnie de Véronique et d'un autre de ses amis auteur-compositeur-interprète, des chansons de l'un, des chansons de l'autre, des oreilles attentives qui dessinent aux lèvres des sourires et des mots, des clins d’œil qui s'échangent, se conjuguent, se répondent, accompagnés du tintement des verres de punch guyanais : il n'était plus question de nombre de livres, de difficultés à se faire éditer, de faibles affluences sur certains salons, ni même de bon plans à se donner. Rien que du cœur, de l'esprit, des sourires pour du bon temps partagé. Rien d'autre que de l'amitié.
Pour tout cela, merci, Jean-Claude !
Eh, là-haut, ou là-bas, où que tu sois, réussis-tu à les faire rire ?
Claude Rouge, écrivain